L’éthique nous invite à vivre et à agir dans le monde. Prendre en compte la réalité du monde pécheur, c’est refuser d’avoir un simple discours théorique, et idéal. Je suis en train de lire un ouvrage de Frédéric de Conink (sociologue chrétien, GBU), qui s’intitule « Agir, travailler, militer ». Il cherche à énoncer une « Théologie de l’action ».
L’auteur regrette que, souvent, nous envisagions dans nos discours une sorte de monde idéal où les contraintes et les limites de l’action ne sont pas prises en compte. « Qui oserait prêcher sur les compromis nécessaires, les accommodements inévitables, le vécu de nos propres imperfections ?
Le monde pécheur selon l’AT
L’Ancien Testament est certainement la partie de la Bible où l’on touche du doigt la réalité du monde pécheur et de ses limites. Dieu s’est révélé dans l’histoire, et tout l’AT nous montre combien le projet de Dieu doit faire face, constamment, aux oppositions et aux limites que lui impose le monde pécheur. Le NT, aussi, affirme la réalité du péché, universel. Mais l’AT, en plus, nous décrit cette réalité, nous y fait entrer par des récits. Il nous plonge au cœur du combat avec les prophètes. Il nous fait saisir, de l’intérieur, l’opposition que l’on peut devoir affronter, par les prières des justes souffrants. Impossible d’échapper à cette réalité d’un monde pécheur, en lisant l’AT. Il y a là un réalisme utile, parce qu’il nous rejoint vraiment.
Comment nous apparaît ce « monde pécheur » ?
On peut brosser le tableau en quelques traits généraux.
L’universalité du péché : l’AT souligne qu’à partir du moment où le mal est entré dans le monde, lorsque l’homme a voulu s’émanciper de Dieu, le péché s’est répandu partout. Il prolifère sur toute la terre, il s’insinue dans toutes les relations. C’est ce que nous décrivent les chapitres 4 à 11 de la Genèse. Toutes les lignées humaines, tous les peuples, sans exception, sont marqués par le mal. Cela ne veut pas dire qu’ils ne font « que » des mauvaises choses. Mais le mal est là, partout, il peut surgir, partout, même au sein d’actions ou d’initiatives qui semblent bonnes et légitimes au départ.
Les formes multiples du péché : l’AT ne présente pas « le » péché comme une « généralité » un peu abstraite. Il est décrit dans sa réalité concrète. Vivre dans un monde pécheur, c’est rencontrer le péché sous de multiples formes. Il y a les formes les plus dures : violence, oppression, injustice, trahison. Il y a celles que l’on rejette, spontanément : l’atteinte aux faibles, l’exploitation du malheur, de la vulnérabilité. Il y a celles que l’on cajole, que l’on utilise, pour arriver à ses fins : mensonge, tromperie, la ruse, la fraude. Il y a celles qui engendrent des oppositions frontales : la haine, la vengeance, le mépris, les rivalités, la volonté de surpasser à tout prix. Il y a celles qui fraient leur chemin bien plus insidieusement : la ruse, les mauvais desseins, l’amertume. Il y a celles où le mal se dévoile, il y a celles où il utilise le bien, ou prend des formes respectables, ou attrayantes. Il y a celles qui s’opposent ouvertement à Dieu, il y a celles qui sapent la vie selon Dieu de manière bien plus subtile.
Les « bastions » du péché : le péché est universel, et sous de multiples formes, mais n’agit pas uniformément. Il a ses « bastions », ses foyers privilégiés, ses canaux, ses réseaux : on y est confronté en essayant de vivre selon Dieu dans le monde. Le premier bastion, c’est le cœur humain, le « centre » de nos réflexions, de nos décisions, de nos actions : « Prends garde à ton cœur » (Dt 4 :9 ; 8 :14,17 ; 15 :9). Un autre bastion, c’est le pouvoir : (i) pour défendre ou pour étendre une position privilégiée, on est parfois prêt à tout ; (ii) plus on a de moyens, plus on a de sollicitations vers le mal : « l’homme pèche tant qu’il peut », c’est un adage qui résume bien ce qu’illustre largement l’AT (cf l’exemple des rois et de leurs égarements, mais aussi Dt 8 :14–17 en version très commune) ; (iii) le pouvoir centre sur soi, et donne les moyens d’être centré sur soi. L’AT nous invite à être très lucides sur cet aspect du mal : les prophètes reprennent souvent les chefs, les prêtres, les rois, les juges pour leurs abus de pouvoir, et leurs injustices aux lourdes conséquences (Jr 2 :8 ; 22 :13–16 ; cf aussi Hab 1 :11 -> conquête et dévastation : « sa force, voilà son Dieu »). Un autre bastion, c’est la richesse : pas en elle-même, il faut le souligner, mais lorsqu’elle conduit à « élever son cœur » (Ez 28 :4–6, roi de Tyr), ou lorsqu’elle conduit à opprimer (Amos 3 :10 -> palais où l’on entasse la violence et le ravage, cf 4 :1, grandes dames de Samarie = « vaches de Basan »). Il existe d’autres foyers : les foyers religieux, avec des cultes très attractifs pour détourner de Dieu (Baals mêlaient l’attrait de la sexualité et les promesses de la réussite et de la fécondité). On peut aussi signaler le détournement des institutions (justice), par la corruption ou en vue de l’oppression. La particularité de ces « foyers », c’est qu’ils sont comme des relais, à partir duquel le mal trouve un élan nouveau, ou des réseaux nouveaux. Certains d’entre eux engendrent aussi des structures par lesquelles le mal est comme « imposé » sur tout un groupe, ou grâce auxquelles il « fait la loi » (cf Hab 1 :3–4)
La ligne de partage : l’AT établit des distinctions claires entre « le juste » et le « méchant » (cf Ps 37 ; Proverbes), le « sage » et « l’insensé, « l’homme droit » et le « méchant » (Prov). Les distinctions sont claires, mais elles ne font jamais une ligne de partage « les autres » qui seraient pécheurs et moi qui serais indemne du péché. Le péché le plus souvent dénoncé est celui du peuple de Dieu : « Nous avons péché » (Neh 9 :33). Certains prophètes veillent même à mettre exactement sur un même pied Israël et ses voisins : l’ouverture de la prophétie d’Amos est magistrale à cet égard, avec un jugement tournoyant de tous les voisins d’Israël (Damas, Gaza, Tyr, Edom, Ammonites, Moab), qui aboutit ensuite comme un cyclone à « Juda », « Israël ». Ézéchiel va jusqu’à comparer Jérusalem et Sodome, avec ces mots terribles : « Sodome, ta sœur, et ses filles n’ont pas fait ce que vous avez fait, toi et tes filles » (Ez 16 :48). Parler ainsi, ce n’est pas une façon de tout relativiser, et de dire que, finalement, on ne peut pas faire de différence entre les uns et les autres. C’est plutôt une invitation à l’humilité et à la vigilance : le péché que je vois dans le monde n’est pas juste le miroir de l’autre, c’est aussi un miroir de moi-même. Je ne peux regarder personne de haut. La fragilité que je vois en l’autre m’invite à être vigilant quant à moi-même. Autrement dit : « Je participe au monde pécheur dans lequel je vis ».
La « vanité », effet du péché : le monde marqué par le péché est un monde blessé, courbé, où l’on ne peut pas tout redresser. Je cite ici le constat que fait l’Ecclésiaste (1 :15) : « Ce qui est courbé ne peut être redressé, ce qui manque ne peut être compté ». Il y a une blessure, profonde : « ce qui est courbé », « ce qui manque ». C’est désormais inscrit dans la réalité du monde, à cause du péché. Il est important de rappeler que la chute a eu plusieurs conséquences : elle entraine la séparation d’avec Dieu, la rupture de la relation – il faut la rédemption, le salut à l’initiative de Dieu, pour renouer ce lien ; il y a toutes les ruptures dans nos relations humaines ; mais la chute a aussi introduit la « vanité » dans le monde (Eccl, Rm 8). La « vanité » ce n’est pas la vantardise, mais ce qui est « vain », qui n’a pas vraiment de sens. La création a été « soumise à la vanité » : (i) la mort vient arrêter ce qui était en mouvement, elle fige ce qui était inachevé, elle efface la mémoire de ce qui a été. (ii) le mal a des conséquences que l’on ne peut pas toujours rattraper ; (iii) les efforts de toute une vie peuvent être anéantis en un instant, par un événement, ou un retournement de situation. Tout n’aboutit pas. Il n’y a pas de « happy end » à tout. Cela engendre de la frustration, de la douleur. De l’incertitude, aussi, quand il nous faut agir, entreprendre. Il faut y voir, certainement, une disposition du Seigneur pour éviter que l’homme ne triomphe dans son autonomie : nous sommes rappelés à nos limites, notre insuffisance, notre besoin de Dieu, notre dépendance de lui. Vivre dans un monde pécheur, c’est aussi faire face à cet aspect de notre condition humaine (Ecclésiaste).
Les fondements de l’action dans le monde pécheur
Qu’est-ce qui permet d’agir dans un monde marqué, flétri par le péché ?
Et quelles sont les bases pour agir « selon Dieu », plutôt que de vivre en essayant simplement de tirer son épingle du jeu, chacun à sa façon ?
La réalité de la création
L’AT nous présente la création comme un lieu marqué par l’ordre, la structure et la régularité. Nous vivons dans un cosmos et non dans un chaos. Cette stabilité demeure malgré les désordres du péché.
Esaïe 45:18 : Car ainsi parle le SEIGNEUR, celui qui crée le ciel, lui, le Dieu qui façonne la terre et la forme, lui qui l’affermit, qui ne l’a pas créée chaos, mais qui l’a façonnée pour qu’elle soit habitée : Je suis le SEIGNEUR (YHWH), et il n’y en a pas d’autre.
La suite du passage est intéressante : le Seigneur tire une conséquence de cette affirmation. Parce qu’il n’est pas le Dieu du chaos, mais de l’ordre qui fait vivre, il nous invite à nous aligner sur sa Parole, sur ce qui est droit et juste.
Es 45 :19 « Ce n’est pas en cachette que j’ai parlé, dans un lieu ténébreux de la terre. Je n’ai pas dit aux descendants de Jacob : Cherchez-moi dans le chaos ! » Moi, le SEIGNEUR (YHWH), je dis ce qui est juste, je proclame ce qui est droit.
Nous pouvons avoir l’impression que nous construisons « notre monde », par la culture, la technique, nos choix de vie et de société. Mais quelle que soit cette culture, quels que soient ces choix de vie, nous vivons dans le monde donné par Dieu, dans le cadre fixé par lui, selon des lois établies par lui.
Nous sommes ainsi en situation de dépendance, nous sommes redevables au Seigneur. Cela fonde une responsabilité : il n’est pas arbitraire que le Seigneur nous demande de vivre selon la parole, selon l’expression de sa volonté.
Mais nous sommes aussi, d’une certaine façon, affermis et établis, dans ce cadre qui nous est donné, et maintenu par le Seigneur. C’est ce que rappelle l’alliance que Dieu a faite avec Noé. Le déluge avait montré que le Seigneur pouvait, pour juger le monde pécheur, faire survenir le chaos. Il suffisait de peu pour tout anéantir. Mais le Seigneur, après le déluge, a promis de maintenir les équilibres de sa création, « tant que la terre durera ».
Genèse 8:22 : Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas.
La réalité de la providence
Nous touchons ici à une autre action du Seigneur, sa providence. Il « pourvoit », il veille aux équilibres qui continuent à rendre la vie possible. On peut vivre en ayant confiance dans ces équilibres. Je peux travailler, me coucher, et avoir confiance que le soleil sera au rendez-vous le lendemain. Le pilote d’un avion peut chercher à connaître parfaitement ses appareils de mesure, pour offrir la meilleure sécurité à ses passagers, parce qu’il sait que les lois de la pesanteur et de la densité des matériaux ne changeront pas d’un jour sur l’autre. La vie dans ce monde repose sur un fondement sûr et régulier, qui est maintenu par la providence de Dieu.
Par rapprochement, cela donne aussi un fondement pour agir dans le monde. La providence de Dieu, sa façon de veiller sur sa création, nous permet aussi d’attendre de lui qu’il veille sur nous, et qu’il donne de la consistance à ce qui est fait selon lui, selon sa volonté. Plusieurs textes de l’AT vont dans ce sens.
Esaïe 40:28 : Ne le sais-tu pas ? Ne l’as-tu pas entendu ?
C’est le SEIGNEUR (YHWH), le Dieu de pérennité, qui crée les extrémités de la terre; Il ne s’épuise ni ne se fatigue; Son intelligence est insondable. 40:29 Il donne de la force à celui qui est épuisé et Il augmente la vigueur de celui qui est à bout de ressources.
Sophonie 3 : 3–5 : mêle la description d’une société marquée par le péché et celle de l’action de Dieu qui chaque matin renouvelle sa présence et sa justice. Le livre des Proverbes souligne à bien des reprises que Dieu veille sur la voie de ceux qui font le bien, tout comme il veille sur sa création, dans sa providence. C’est tout le langage qui invite à compter sur la valeur du bien, des bonnes attitudes.
Prov 2 :7 : Le Seigneur tient en réserve des ressources pour les gens droits, un bouclier pour ceux qui suivent la voie de l’intégrité; 2:8 pour préserver les sentiers de l’équité et garder la voie de ses fidèles.
Prov 4:10–11, 18–19 : Écoute, mon fils, et reçois mes paroles; et les années de ta vie se multiplieront.
Je te montre la voie de la sagesse, je te conduis dans les sentiers de la droiture.
Si tu marches, ton pas ne sera point gêné; et si tu cours, tu ne chancelleras point.
Retiens l’instruction, ne t’en dessaisis pas; Garde-la, car elle est ta vie. 4 :18 Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante, Dont l’éclat va croissant jusqu’au milieu du jour.
La voie des méchants est comme les ténèbres; Ils n’aperçoivent pas ce qui les fera tomber.
Prov 10 :9 : Celui qui suit la voie de l’intégrité marche en sécurité ; celui qui prend des voies tortueuses sera découvert.
Il y a là une confiance qui est affirmée, qui ressemble à la confiance que l’on a dans l’ordre que le Seigneur maintient dans sa création. Certes, ce n’est pas toujours que la voie du juste est comme la lumière du jour qui se lève, alors que la voie de ceux qui vivent sans Dieu est comme les ténèbres. Il y a le jeu des actions humaines, des interactions de toutes sortes. Mais globalement, il y a cette ligne, sur laquelle on peut compter, et qui fonde l’action bonne dans le monde. Une attitude bonne doit produire de bons effets : on peut compter là-dessus. C’est sur cette base que le livre des Proverbes nous invite à réfléchir à nos actions, à leurs fruits. « Celui qui garde l’instruction prend le chemin de la vie ; celui qui oublie les avertissements s’égare » (10 :17) Dire cela, c’est se fonder sur un ordre global (certains : « ordre moral », « univers moral »). Il vaut mieux dire que c’est un effet de la providence de Dieu dans le monde pécheur : il veille, il veillera à ce que le bien porte ses fruits.
Il nous faut nous ressourcer à cette réalité, lorsque nous vivons, parfois, des moments troublés. C’est assez semblable à notre besoin, régulièrement, de nous ressourcer dans la nature. Cf expérience perso de la lecture des Proverbes.
L’œuvre de la rédemption
La troisième base pour laquelle continuer à agir selon Dieu dans le monde pécheur est le projet de salut que le Seigneur a commencé à mettre en œuvre.
L’AT rappelle constamment, et c’est un repère, l’action de Dieu envers son peuple (Abraham, Exode, David).
Il souligne que cette action n’est pas simplement passée, mais qu’elle est riche de promesses. C’est une alliance dans laquelle le Seigneur s’engage et engage l’avenir.
C’est à cause de cette œuvre de salut, et de ses promesses, que l’on tient bon dans l’adversité, que l’on espère malgré les réalités contraires, que l’on agit selon Dieu pour respecter son alliance.
Un bel exemple est celui de Daniel, en exil à Babylone. Il reste droit, il agit fidèlement envers Dieu, il assume des responsabilités importantes au sein d’un monde pécheur.
Qu’est-ce qui le porte ? Il y a sa relation personnelle avec Dieu, son appui sur les paroles données par le Seigneur (Dn 9 :2), son espérance en Dieu : il prie chaque jour les fenêtres tournées vers Jérusalem (Dn 6) ; sur la ligne générale, au cœur du message de Daniel, il y a sa foi que le Seigneur est le souverain sur tous les royaumes de la terre (2 :21, 37 -> témoignage à Nebucadnetsar, 2 :44 -> un royaume qui ne sera jamais détruit).
On peut aussi citer le prophète Habaquq. Il crie à Dieu face à toutes les injustices qu’il voit autour de lui (1 :3–4). Le Seigneur lui répond par la promesse de son intervention, et en lui demandant d’avoir confiance en cette promesse.
Hab 2:2 L’Éternel m’adressa la parole, et il dit: Écris la prophétie ; Grave-la sur des tables,
Afin qu’on la lise couramment. 2:3 Car c’est une prophétie dont le temps est déjà fixé,
Elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas; Si elle tarde, attends-la, Car elle s’accomplira, elle s’accomplira certainement.
2:4 Voici, son âme s’est enflée, elle n’est pas droite en lui; Mais le juste vivra par sa foi.
C’est l’une des expressions fortes de l’AT sur ce qui permet de vivre selon Dieu dans un monde pécheur. Le mal est là. La promesse de Dieu aussi. Elle n’est pas une vague consolation : elle est en marche, vers son accomplissement. Dieu est en train d’agir, et garantit que ce qu’il a annoncé aboutira. Le juste vit par sa foi… sa foi confiance… sa foi fidèle.
Le jugement de Dieu sur toute chose
Cela peut paraître étonnant de lister le jugement comme l’une des forces pour bien vivre dans un monde pécheur. Mais c’est une vérité importante à rappeler face aux réalités parfois tellement mêlées, tellement tordues, que l’on découvre, à cause du péché dans le monde. C’est l’Ecclésiaste, qui nous le rappelle, lui qui a si bien reconnu et intégré la complexité du monde.
Eccl 3:16 Voici encore ce que j’ai vu sous le soleil : à la place du droit, là est la méchanceté, à la place de la justice, là est la méchanceté.
3:17 Je me suis dit : Dieu jugera le juste et le méchant, car il y a un temps pour chaque chose et un lieu pour chaque œuvre.
Pourquoi ce rappel du jugement ?
Ce n’est pas un désir secret de voir les méchants être punis. Ce n’est pas non plus une vision où l’on attend du jugement de Dieu qu’il nous accorde le salut selon nos « mérites ». L’importance de la perspective du jugement, au sein d’un monde complètement troublé, c’est de rappeler la distinction entre le bien et le mal, et de rappeler que Dieu est le garant du bien. C’est ce qui fonde la responsabilité morale (cf Eccl 11 :9–10, « Jeune homme…). C’est ce qui permet de s’accrocher à ce qui est juste, droit. Plutôt qu’à naviguer selon les circonstances.
Résumé :
Il y a donc des fondements pour « bien vivre sa vie », même au sein d’un monde pécheur : la création, solide et stable, qui porte tout ; la providence de Dieu qui veille aux équilibres ; le plan de Dieu, son projet, en lequel nous croyons ; le jugement final, qui rappelle que Dieu fera triompher le bien, et séparera la paille et le grain.
Comment vivre selon Dieu dans un monde pécheur ?
La question est vaste. Je ne parlerai pas des « ressources » pour vivre selon Dieu. Mais je sélectionne quelques repères.
Le premier repère concerne nos attitudes
Humilité et loyauté
Nous avons rappelé tout à l’heure que le peuple de Dieu, dans l’AT, n’avait pas à faire le fier, ni à se poser en donneur de leçons. Il était, lui aussi, pécheur, tout comme les nations qui l’entourait. Il en est de même pour nous. C’est parce que « Dieu nous a aimés » que nous lui appartenons, et non à cause de ce que nous sommes, ou pouvons produire, face aux autres, ou en mieux que les autres. C’est donc « humblement » qu’il nous faut vivre dans le monde pécheur : (i) sans prétention, sans esprit de supériorité par rapport aux autres ; (ii) dans la dépendance, avec vigilance et application par rapport au Seigneur. Nous avons besoin de lui. Cf Michée 6 :8.
Mais cette humilité ne doit pas signifier « manquer de consistance » : nous avons une loyauté à préserver au sein du monde pécheur, la loyauté envers le Seigneur qui nous a aimés, qui nous soutient, nous accompagne. Le mot à retenir, ici, est la parole du Psaume 73, la parole d’un homme troublé par le succès des méchants. « Si je disais : je veux parler comme eux, je trahirais… » (73 :15). Nous avons une loyauté à préserver. Envers le Seigneur. C’est ce qui donne le vrai sens des choses : c’est « pour lui ». (# pour nous, notre bonheur, cf Job).
Le deuxième repère concerne les directives… la source des instructions pour cette vie..
La Parole dans toute sa richesse
J’aurais pu intituler ce paragraphe « l’axe Ps 119 ».
Le Ps 119 est le plus long chapitre de la Bible C’est un Ps qui célèbre la valeur de la « loi de Dieu », de ses « instructions » pour notre vie. Le manuel de vie pour nous, dans un monde pécheur, c’est cette instruction. Mais j’ai précisé : « dans toute sa richesse ». Je m’explique. Je renvoie ici aux trois parties qui composent l’AT.
La loi : le mot thora ne veut pas dire, « loi » imposée d’en-haut. Le mot signifie : « instruction, direction ». Cela rappelle son but : nous former, nous équiper, nous apprendre, nous donner des ressources, pour bien vivre, selon Dieu et pour notre bonheur. Rappel que nous avons besoin de plus que d’être « cadrés » : besoin d’être formés, instruits, pour pouvoir nous diriger à cette lumière (+ apprentissage, qui inclut le temps et les essais).
les prophètes : c’est la parole donnée par les « porte-parole » du Seigneur, dans les circonstances diverses du peuple de Dieu. Une parole qui est aussi rencontre. Besoin que la Parole de Dieu soit une « rencontre » avec le Seigneur. Une relation où nous nous ouvrons à lui. Où il peut nous « rappeler » ce dont nous avons besoin, nous « équiper » pour ce qu’il nous faut affronter, nous encourager ou nous reprendre, ou nous booster un peu.
Les Écrits : la littérature de piété et de sagesse. C’est la parole de Dieu « dont nous avons fait notre miel ». Qui devient une partie de nous. Elle alimente notre prière. Nous la méditons, nous cherchons à discerner sa sagesse, nous nous l’approprions, pour qu’elle devienne partie intégrante de nos valeurs. Besoin de ces trois aspects (+ à la lumière de Jésus, qui « accomplit la loi et les prophètes », et forts de toutes les assurances et motivations qui jaillissent de son œuvre).
Le troisième repère pour « vivre dans un monde pécheur » concerne la complexité des choses…
Des questions et des ancrages
L’AT ne cache pas qu’il y a des questions difficiles lorsque l’on veut vivre selon Dieu. L’une des difficultés rencontrées est celle du succès et du bonheur des méchants, de ceux qui vivent sans Dieu. Ils ont l’air tellement épanouis ! Il semble que tout leur réussit. Alors qu’ils se moquent bien de Dieu… Et beaucoup vont vers eux ! En face, la fidélité à Dieu n’apporte pas toujours la facilité, ni l’épanouissement. Il y a même des moments où c’est carrément difficile. Voilà la problématique du Ps 73. Face à cette difficulté, il a fallu chercher, puis trouver, un ancrage plus profond qui permette de dépasser le simple jeu de miroirs entre le bonheur des méchants et les difficultés de celui qui veut marcher avec Dieu. Il semble qu’il y a eu un temps de questionnement, sans réponse (« j’ai failli glisser », 73 :2) : cela peut nous arriver, et cela nous arrivera, c’est normal. Il y a eu un moment, où les choses ont pu s’ordonner : 73 :13 : « entré dans les sanctuaires de Dieu (temple ? prière ?), et considéré le sort final des méchants ». A partir de là, tout a pu s’ordonner. Et, regard neuf, entre autres, sur un « bonheur » au cœur même des circonstances difficiles : Dieu est là, nous a pris par la main, nous conduira jusqu’à la gloire, nous soutiendra…
Vivre dans un monde pécheur, c’est affronter ce genre de questions. Être désarçonné parfois. C’est chercher, prier, venir à Dieu avec nos questions… c’est aussi les partager. Pour ensuite, trouver des fondements plus solides et plus apaisés. C’est ce qui nous fait grandir. Mieux que dans une tour d’ivoire !
Le quatrième repère concerne les choix à faire, et les critères à employer…
Des principes à faire siens
Comment s’orienter dans un monde qui propose tant de sollicitations, pas toujours honnêtes, ni toujours selon Dieu ? Certains fonctionnent au gré de ce qui leur convient (« ça, je le sens, ça je le sens moins »).
Difficulté : sommes-nous bien sûrs de « sentir » les choses comme Dieu le veut ? Nous faisons partie du monde pécheur, et les exemples sont nombreux où « suivre ce que l’on sentait » voulait dire « suivre le mauvais penchant de son cœur ». D’autres chercheront une « indication particulière » à chaque décision (parole, songe, signe) : cela fait partie des choses que Dieu peut donner, en réponse à une recherche sincère.
Mais la ligne générale de l’Écriture est bien plutôt que nous menions une vie responsable et adulte devant Dieu, en tenant compte des lumières qu’il nous a laissées dans sa Parole.
Il est intéressant de voir comment cela fonctionne dans l’AT lui-même. Dieu avait donné la « Thora », son instruction. Que font les prophètes ?
Disent-ils au peuple de Dieu : « Maintenant, tu dois prendre telle décision précise, au nom du Seigneur » ? Non ! Ils rappellent les principes donnés par la thora ! « A la loi et au témoignage ! » (« Que l’équité coule comme un fleuve, et la justice comme un torrent intarissable » (Am 5 :23).
On donne des principes de conduite, issus de la loi déjà donnée. Il faut ensuite trouver l’application dans la situation que l’on vit : comment être équitable, juste…
Cela, c’est la responsabilité de chacun, sous le regard de Dieu. Et les sages ne faut pas autre chose : ils rappellent les principes de vie donnés par le Seigneur, ils les mettent en face de la vie, ils invitent à observer, à s’approprier ces principes… Leur but : que ces principes soit intégrés, deviennent une partie de nous-mêmes. De telle sorte qu’en réfléchissant à la vie, nous les ayons immédiatement disponibles, sans avoir à refaire tout le chemin. Cf « droiture » : assez clairement, cela oriente les choix de vie, évite de se lancer dans certaines voies détournées, mensongères, sans avoir tout repenser. Cf Daniel.
Le cinquième repère concerne le « choc des valeurs » qui peut survenir…
Une différence à assumer
Lorsque Dieu a appelé Abraham, puis son peuple, du milieu des nations, il s’en est suivi un immense choc des valeurs. Car le Seigneur appelait à une orientation, à des comportements très différents de celui des autres nations. Il faut bien situer les choses : il ne s’agissait pas de cultiver la différence pour la différence. Mais la différence là où les nations s’étaient écartées du Seigneur. La différence qui découle du fait que l’on marche selon le Seigneur.
Lévitique 20:23 : « Vous ne suivrez point les usages des nations que je vais chasser devant vous; car elles ont fait toutes ces choses, et je les ai en abomination. »
Deutéronome 4:6 Vous les observerez et vous les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui entendront parler de toutes ces lois et qui diront: Cette grande nation est un peuple absolument sage et intelligent!
On sait que, pour Israël, cette différence a été exigeante. « Nous voulons être comme les autres nations ».
Le point sensible était l’idolâtrie : les divinités païennes offraient des recours qui semblaient moins exigeants. Mais l’éthique était aussi un point particulièrement sensible, d’autant que le Seigneur unissait le culte et la vie de tous les jours, alors que les autres nations les séparaient volontiers. Le combat des prophètes l’atteste. Il y avait, aussi, des points particulièrement marqués : le sabbat, les interdits alimentaires. Très concrètement, une différence immense !
Vivre selon Dieu au milieu d’un monde pécheur crée, immanquablement, une différence. Nous allons vivre et nous comporter différemment, à certains endroits. En soi, cela n’est pas une difficulté insurmontable… la diversité fait partie de la vie. Mais on sait que la tendance à l’assimilation est parfois plus forte : on veut « être pareils ».
Il arrive que ces différences créent des distances. Plusieurs psaumes parlent des « ennemis », et certains chrétiens s’approprient ces textes à propos de leur vie dans un monde pécheur. Attention, soyons prudents ! Souvent, les « ennemis » dans les Psaumes ne le sont pas pour des raisons de fidélité à Dieu, mais pour des raisons de rivalité, d’envie… au sein même du peuple de Dieu ! Nous devons veiller, à ne pas « polariser » notre situation, notre différence. S’il existe, incontestablement, de vraies hostilités aux chrétiens, ce n’est pas une généralisation. Par contre, d’autres termes conviennent mieux pour parler des distances que créent les différences : « orgueilleux, hautains, moqueurs »… Attitude de suffisance, de condescendance…
Mais l’Écriture témoigne aussi de la force et de l’impact que peut avoir une vie selon Dieu conséquente. Sagesse, valeur sur la durée des principes que nous donne le Seigneur.
Exemple de Daniel, avec le soutien de Dieu en plus. Ici ou là, les Sages de l’AT puisent aussi dans la sagesse des nations : ils valorisent des valeurs communes, tout en les intégrant dans une perspective en harmonie avec leur foi.
Tout cela invite à une différence assumée. Sans ghettoïsation.
En sachant pourquoi, et pour qui on agit. Dans la confiance que ces valeurs sont bonnes, « absolument sages ».
Dernier repère concerne le « possible » dans le monde marqué par la chute…
Les limites qui demeurent
Il ne nous faut jamais oublier, l’Ecclésiaste nous le rappelle, que nous vivons dans le monde marqué par la chute et ses conséquences. En tant que croyants, nous ne sommes pas soustraits à tous les aspects de ces conséquences du mal. Certaines de nos tentatives n’aboutissent pas. Si globalement Dieu donne sens à notre vie, tout n’y est pas unifié : il y a des ruptures, il y a manques, des frustrations, tout comme il y a des joies, des réussites, des bénédictions. Nous sommes invités à l’assumer, sereinement, humblement. En recueillant les signes de la grâce et de la présence de Dieu semés au cœur de ces limites.
Dans ce monde marqué par le péché, on ne peut pas toujours aller tout au bout de ce que l’on reconnaît comme bien, ou juste. Pour nous-mêmes, il nous faut aller le plus loin possible. Mais quand d’autres sont impliqués, il faut savoir aller « aussi loin que possible ». Vivre dans un monde pécheur, c’est aussi, parfois, savoir trouver le meilleur compromis possible. Quand le mal a tissé ses réseaux, parfois même, il ne reste plus que le choix du « moindre mal ».
La sagesse de Dieu nous invite à tenir compte de ces limites du possible.
Eccl 7 :16 : « Ne sois pas juste à l’excès, et ne te montre pas trop sage : pourquoi te détruirais-tu ? »
Juste à l’excès : humilité devant certaines limites…
« Trop sage » : ne pas reconnaître les limites de ce que tu peux appréhender…
La loi de Dieu elle-même, la Thora, a tenu compte de certaines limites, pour les encadrer, éviter de plus grands malheurs. La loi sur la « lettre de divorce » en est un exemple. Dieu ne veut pas la rupture de l’alliance du mariage. Mais quand les choses se passent malgré tout, il donne des garde fous, pour préserver les personnes, pour éviter de plus grands dégâts.
T.Huser
Source : http://www.audedansdevous.fr/article-vivre-dans-un-monde-pecheur-102957396.html
Bonjour Flo....Oui, ce n'est pas l'Homme qui construit le monde, Mais le Dieu Souverain, omnipotent, omnipotent... Que la crainte de son Saint Nom soit dans nos coeurs... Amitiés!
RépondreSupprimerAmen Joy !
SupprimerAmitiés fraternelles partagées... Je me joins à ta prière pour nous tous et toutes enfants du Dieu Très Haut ! Sois bénie. Flo